Qu'est-ce qu'un auteur aujourd'hui ?

Hors-Phase n°3 Les réactions ne manquent pas après la publication du rapport de la commission Acte II de l'exception culturelle présidée par Pierre Lescure et semblent avoir toutes en commun d'être plutôt mitigées voire réservées. Certes, ce sentiment peut facilement s'expliquer par l'exhaustivité qui prétend s'exprimer au travers des 719 pages du rapport. Pourtant, il est frappant de constater que, même si elle est effleurée par moments, la question centrale de la place et du statut de l'artiste continue de s'inscrire dans un cadre qui n'est pas remis en question.

Même constat du côté de la Guilde des Artistes Musiciens (GAM) récemment créée à l'initiative d'Axel Bauer, Issam Krimi, Kent et Suzanne Combo qui, dans une tribune publiée par Libération le 23 mai 2013 espère que « Le sujet ne se résume pas au seul souci économique d’un secteur, mais comme l’avait défendu le Président lors de sa campagne, il s’agit d’une vision : la place que l’on donne aux artistes, à l’art et à la culture, en France, en Europe comme ailleurs. »

Pourtant, Pierre Lescure, La GAM et tous les acteurs que l'on entend depuis quinze ans sur cette question semblent avoir oublié que cette place donnée aux artistes est, depuis la loi du 11 mars 1957, bien différente de ce qu'elle était auparavant. Bien plus faible et précaire aussi.

Qui se souvient en effet que, depuis la Révolution française et jusqu'au déclenchement de la seconde guerre mondiale, l'artiste ne pouvait être dépossédé de ses droits et qu'il était placé au centre du dispositif juridique qui le protégeait. L'équilibre que la loi cherchait alors à établir se faisait entre les intérêts particuliers des auteurs et l'intérêt général du public.

Qui se souvient que c'est le gouvernement de Vichy qui a mis en place une commission d'étude, fortement influencée par des éditeurs-collabos, pour renverser radicalement la place des auteurs et mettre l'éditeur, en tant qu'agent économique, au premier rang des bénéficiaires des dispositifs juridiques.

Qui se souvient que la commission mise en place en 1944 pour reprendre ce dossier après la libération était composée de ceux-là même qui avaient fomenté ce renversement en profitant de l'occupation nazie et de l'absence de débat public qu'elle engendrait.

Depuis, l'auteur n'est plus titulaire d'aucun privilège car la nouvelle loi le définit comme propriétaire de son œuvre. Il ne peut donc que la vendre et en perdre le contrôle. Qui aujourd'hui remettra cette définition en cause ?

Tous les détails de cette sombre affaire dans le magazine Hors-Phase n° 3, disponible le 15 juin.